Les trois dispositifs CIR (crédit d’impôt recherche), CII (crédit d’impôt innovation) et statut JEI (jeune entreprise innovante) sont destinés à inciter l’innovation et la recherche. Vous découvrirez dans cet article leurs fonctionnements respectifs (éligibilité, nature des dépenses, mode de calcul, etc.). Vous bénéficierez ainsi des clés pour identifier les utilisations potentielles chez les clients de votre cabinet. Vous pourrez ainsi échanger avec eux sur ces dispositifs aux objectifs sensiblement différents.
Le crédit d’impôt innovation (CII)
Ce dispositif vise à rentabiliser les développements de prototypes, versions bêta et installations pilotes dans l’entreprise. C’est une extension du crédit d’impôt recherche qui est apparue en 2013. Avec le CIR, le CII constitue un réel levier de recherche et d’innovation en France. À eux deux, ils représentent 7 milliards d’euros chaque année.
Le CII : critères d’éligibilité
Le crédit d’impôt innovation ne concerne que les PME au sens communautaire, soit les sociétés de moins de 250 salariés et moins de 50 millions de chiffre d’affaires. Soyez vigilant toutefois quant à la détention du capital. Si un grand groupe possède plus de 25 % d’une telle société, elle perd le statut de PME. En outre, pour être éligible, l’entreprise doit évidemment réaliser des activités innovantes.
Le CII : quelles sont les activités éligibles ?
Les textes exigent une participation à la conception de prototypes et/ou d’installations pilotes de nouveaux produits. L’entreprise ne doit pas avoir encore mis le produit ou le service à disposition sur le marché. Vous devez démontrer que votre concept présente des performances supérieures à la concurrence, sur le plan :
fonctionnel ;
technique ;
ergonomique ;
de l’éco-conception.
Le CII : dépenses retenues
Le crédit d’impôt innovation se base sur les dépenses de l’année civile, même si l’entreprise présente un exercice différent. Voici les postes à retenir pour effectuer le calcul du CII :
Les frais de personnel, soit les salaires bruts chargés des collaborateurs affectés aux opérations éligibles. Il s’agit de l’innovation, de la conception, du design, du développement, des phases de tests voire des installations pilotes des prototypes.
Les frais de fonctionnement qui se calculent forfaitairement soit 43 % des frais de personnel et 75 % des dotations aux amortissements des immobilisations utilisées sur le projet.
Les frais de dépôt, de maintenance et de défense des brevets.
Les prestations externes si le prestataire détient l’agrément CII.
Le CII : mode de calcul
Le dispositif CII présente un plafond de dépenses annuelles de 400 000 euros. Le taux du crédit s’élevant à 20 %, la PME peut donc bénéficier au maximum de 80 000 euros de crédit d’impôt par an.
Ce système s’intègre dans la liasse fiscale de l’entreprise. Le crédit d’impôt vient diminuer le montant de l’impôt dû par les sociétés bénéficiaires. En cas de déficit, ou de CII supérieur à l’impôt, l’entreprise peut obtenir la restitution immédiate de sa créance.
Le crédit d’impôt recherche (CIR)
Le CIR vise à rentabiliser une prise de risque technologique dans l’entreprise. Dispositif historique créé en 1983, il se différencie du CII principalement par les critères d’éligibilité technique.
Nature des travaux éligibles
Le CIR ne consiste pas à comparer un produit par rapport au marché ou à la concurrence. L’entreprise doit justifier que la réalisation du projet a exigé la création de nouvelles connaissances ou savoir-faire technologiques. L’argumentaire se rapproche d’une thèse ou d’une étude scientifique.
Trois familles de recherche et développement sont éligibles :
La recherche fondamentale qui se situe souvent dans les laboratoires de recherche.
La recherche appliquée, phase encore éloignée d’un produit industrialisable ou commercialisable et qui vise à élaborer un modèle probatoire.
Le développement expérimental qui consiste à créer ou à améliorer de façon substantielle un produit, procédé, processus, programme, service ou équipement.
Le CIR : critères d’éligibilité
Au-delà des trois familles de recherche, voici cinq critères qui aident à caractériser les projets et déterminer leur éligibilité ou non au CIR.
La rupture technologique
L’entreprise doit formellement justifier sur papier son avance dans le domaine. C’est le dossier que demande l’inspecteur des impôts en cas de contrôle fiscal. La bonne pratique consiste à effectuer une analyse de l’état de l’art et à expliquer quels sont les blocages qui restent à lever sur le plan technologique.
Les verrous technologiques et scientifiques
Ce sont les difficultés que l’entreprise a rencontrées sur le plan technique et qui sont généralisables à l’ensemble de son domaine.
L’inventivité
Le candidat au CIR doit pouvoir justifier que l’apport des connaissances sur le projet peut se généraliser pour l’ensemble du domaine d’activité en dehors de l’entreprise.
Les ressources
Les personnes affectées au projet doivent disposer de compétences en R&D. L’administration fiscale demande systématiquement la copie des diplômes. Ainsi, un salarié qui dispose au moins d’un BAC+5 doit obligatoirement encadrer l’équipe de recherche.
Le processus
Quand l’entreprise décrit ses travaux de R&D, elle doit veiller à démontrer la démarche scientifique et technique utilisée, avec les différentes hypothèses et étapes y compris les échecs. Il importe de prouver les itérations dans la recherche de solutions.
Le CIR : dépenses retenues
Voici les postes de dépenses qui entrent dans le calcul :
frais de veille technologique ;
participation à des réunions de normalisation ;
dépenses de personnel (salaires bruts chargés) ;
dépenses de fonctionnement identiques au CII ;
frais de dépôt, maintenance et défense des brevets ;
prestations extérieures si le prestataire est agréé au titre du CIR ;
déduction du total des dépenses des subventions publiques perçues pour les projets de R&D.
Le CIR : mode de calcul
Vous appliquez un taux de 30 % à l’ensemble des dépenses retenues pour le CIR, si elles ne dépassent pas 100 millions d’euros. Au-delà, le taux se limite à 5 %.
Le statut de Jeune Entreprise Innovante (JEI)
Ce troisième dispositif complémentaire du CIR a pour but d’accompagner les PME qui réalisent des efforts en recherche et développement. En général, une entreprise éligible au statut de JEI l’est également au CIR.
JEI : les activités éligibles et les dépenses à retenir
Les entreprises doivent être des PME créées depuis moins de 11 ans, suite au rallongement de la durée de 8 ans lors de la loi de finances pour 2022. Le critère d’indépendance s’avère fondamental. En outre, la société qui prétend au statut de JEI doit consacrer au moins 15 % de ses charges à des dépenses de R&D, hors pertes de change et charges nettes sur cessions de VMP.
💡 Notez que les dépenses éligibles restent identiques à celles du dispositif CIR (voir paragraphe 2.3).
JEI : comment obtenir le statut ?
Du point de vue fiscal, la jeune entreprise peut s’autoproclamer JEI, sans démarche particulière. Toutefois, nous recommandons d’obtenir un rescrit fiscal. En effet, l’Urssaf le demande à la société en cas de contrôle. En l’absence de ce document, vous risquez le redressement des avantages perçus sur les dernières années.
JEI : les avantages du statut
Les JEI bénéficient d’exonération à hauteur de 70 % des cotisations patronales concernant le personnel affecté majoritairement à la R&D. Elle perdure pendant les 8 premières années de l’entreprise. La limite de l’exonération s’élève chaque année à 5 fois le PSS annuel.
L’exonération d’impôt constitue le second atout de la jeune entreprise innovante soit 100 % pendant un an puis 50 % l’année suivante.
Enfin, avec le statut de JEI, l’entreprise peut bénéficier, sur délibération des collectivités territoriales, de l’exonération de la CET et de la taxe foncière pendant 7 ans.
Le dispositif JEI se cumule avec le CIR. Veillez toutefois à respecter les règles des « minimis » européens, soit un plafond de 200 000 euros sur 3 ans glissants.
Les réponses à vos questions
Doit-on déposer un rescrit fiscal chaque année pour le statut JEI ?
D’après les contrôles Urssaf des dernières années, l’administration se contente pour l’instant de demander la production d’un seul rescrit fiscal.
Peut-on déposer un CIR ou CII pour plusieurs années passées ?
L’entreprise peut déclarer le crédit d’impôt pour les trois dernières années en rectifiant les liasses fiscales déposées précédemment. Toutefois, en pratique, avec le formulaire 2573, le contribuable peut demander la restitution des crédits d’impôt des trois années précédentes sans modifier les liasses fiscales. Mais l’administration pourrait potentiellement l’exiger.
Peut-on bénéficier du CIR sans disposer du statut JEI ?
Oui, c’est possible. En outre, le statut JEI est limité aux 11 premières années de l’entreprise, contrairement au CIR.
Quel est le délai pour le rescrit fiscal du JEI ?
La deadline pour la demande de rescrit fiscal est identique à celle du dépôt de la liasse. Vous devez envoyer le rescrit avant de déposer la liasse fiscale.
Le CIR, le CII comme le statut JEI constituent de sérieux atouts financiers pour les entreprises innovantes. Ce serait dommage de passer à côté. Avec ces informations, en tant qu’expert-comptable, vous disposez des clés pour échanger avec vos clients.
Un très grand merci à Aurélien Barrière pour son temps et son expertise sur ces sujets !